Il est vraisemblable que la viola da spalla s’est maintenue plus longtemps dans certains pays que dans d’autres : peut-être la France été-t-elle la plus prompte à accueillir le nouveau violoncelle que l’on tient entre les jambes ; par ailleurs, il me semble que l’idée da spalla a survécu le plus longtemps en Allemagne. La période durant laquelle les deux instruments et les deux façons de jouer se sont côtoyés ne renvoie en aucun cas à une histoire claire et chronologique qui ferait l’unanimité…
Le terme de base viola (da brazzo ou da braccio) correspond à « notre » alto. D’un point de vue purement linguistique, le terme violone désigne un très grand violon tandis que violoncello est un diminutif de violone et dénomme donc un petit violone (la forme violoncino apparaît également çà et là) ; enfin, le terme violino est un diminutif de viola, il désigne donc un petit alto.
De par son volume plus petit, la viola da spalla ou violoncelle d’épaule possède un tout autre son que le basso ou violone, souvent deux à trois fois plus grand ; elle n’a donc jamais été utilisée comme basse dans l’orchestre ; elle était seulement destinée à ajouter une couleur spécifique dans des situations particulières, à l’instar d’une flûte à bec solo dans une cantate par exemple. Dans la musique de chambre, le violoncello (da spalla) était cependant utilisé et apprécié comme instrument de basse continue : J. Mattheson vante ainsi la sonorité particulièrement riche de cet instrument et il écrit dans son Neu-eröffnetes Orchester (1913) qu’aucun autre instrument ne convient aussi bien pour accompagner, en tant qu’instrument de continuo, les instruments mélodiques aigus (comme la flûte, le violon…).
Il est fondamental de se rendre compte que le terme violoncello était peu utilisé à l’origine (comme nous l’avons déjà dit), mis à part le fait que cet instrument était ou non joué da spalla. Ainsi, lorsque le terme violoncello est explicitement mentionné, il convient d’utiliser le plus petit instrument de la basse et certainement pas la basse de violon ou le violone, deux instruments plus grands. Inversement, le violoncello n’est pas l’instrument « passe-partout » censé jouer tout le temps la partie de basso continuo : cette fonction revient plutôt au violone (c’est-à-dire à une basse de violon – « grand violoncelle », devrait-on dire –, ou à une viole de gambe basse à six cordes, accordée sur un sol grave, ou encore – au sein d’un ensemble plus grand – à une sorte de contrebasse). C’est seulement au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle qu’est intervenu le glissement syntaxique suite auquel le terme violoncello désigne la même chose qu’aujourd’hui : l’instrument à cordes presque souverain de huit pieds tel qu’on peut l’admirer dans le quatuor à cordes.