En février 2004, le luthier Dmitry Badiarov (qui est aussi un violoniste baroque se produisant régulièrement avec la Petite Bande) m’a fabriqué un violoncello da spalla à Bruxelles. Il a repris les mesures de deux anciens modèles toujours existants et d’un instrument de Leipzig qui a disparu pendant la guerre. Ces trois instruments sont attribués à Hoffmann de Leipzig et datent de l’époque où J.S. Bach a commencé d’employer le violoncello et le violoncello piccolo dans certaines cantates.
L’instrument de Badiarov correspond tout à fait aux descriptions qui ont été faites de la viola da spalla au temps de Bach. C’est un instrument à cinq cordes (ut, sol, ré, la, mi, comme la dénommée viola pomposa), la longueur des cordes du sillet au chevalet est de 42,5 cm, les éclisses ont une hauteur d’environ 9 cm, et le corps de l’instrument, une longueur de 46 cm. De ce point de vue, il s’agit donc d’un très petit violoncelle ! Lorsqu’on demande à un violoncelliste de le jouer entre les jambes, de la façon dont le violoncelle piccolo est encore fréquemment joué de nos jours, sa sonorité est limitée et très étouffée, comme celle d’un violoncelle beaucoup trop petit. En revanche, s’il est joué da spalla de manière historique, sa sonorité est incomparablement plus riche et harmonieuse, elle ressemble à celle d’un très grand alto mais dans une tessiture de violoncelle !
Les cordes et l’archet ont été fabriqués spécialement pour cet instrument selon les méthodes anciennes. Lors de cette première tentative de réhabiliter le « violoncelle d’épaule », tant le facteur que moi-même avons été très agréablement surpris de constater – un an à peine après nos premières expériences – combien cet instrument s’impose à la fois sur les plans pratique et artistique.
Sans la moindre réserve, j’ai décidé d’utiliser cet instrument pour interpréter les cantates de Bach dans lesquelles il est explicitement requis, ainsi que d’autres œuvres de Bach et de ses contemporains dans lesquelles il retrouvera certainement la place qui lui revient.
Mais par-dessus tout, je me réjouis beaucoup à l’idée de pouvoir entendre les Suites pour violoncelle de Bach s’épanouir dans leur nature originelle grâce à ce « retour aux sources ». La fête a commencé…