Au début de son séjour à Leipzig (après 1722), Jean-Sébastien Bach aurait (d’après Forkel en 1782 et d’après Gerber vers1791) inventé l’instrument connu sous le nom de viola pomposa, dont la description réalisée ultérieurement correspond tout à fait à celle d’une viola da spalla à cinq cordes. Bach lui-même n’utilise jamais les qualificatifs pomposa ni da spalla : il écrit seulement violoncello ou encore violoncello piccolo. Cependant, tout porte à croire que Bach utilisait bel et bien ces termes pour désigner la viola da spalla (ou le violoncello da spalla, les deux expressions ayant alors cours) : ainsi, dans les cantates, les copistes de Bach ou Bach lui-même n’ont jamais copié les (rares) fragments de solos pour violoncello ou violoncello piccolo dans les parties destinées aux exécutants de la basse (violone, basso continuo) : elles étaient toujours notées sur une feuille à part voire dans la partie du premier violon, sans aucun commentaire. Ceci indique clairement que les parties de violoncello n’étaient pas destinées aux exécutants de la basse, qui avaient l’habitude de tenir leur instrument « entre les jambes », mais bien à ceux qui jouaient da spalla, c’est-à-dire les violonistes… : la technique da spalla ne requérait qu’une adaptation organique de leur position habituelle, tandis qu’elle était – et est encore – tout à fait étrangère et impraticable pour les exécutants de la basse qui ont coutume de tenir leur instrument entre les jambes…
Comme J.S. Bach semble utiliser le terme violoncello pour désigner la viola da spalla, il n’est guère étonnant que ses célèbres Six Suites pour violoncelle seul puissent être exécutées d’une manière beaucoup plus naturelle sur une viola da spalla que sur un violoncelle « actuel ». Que Bach ait conçu les cinq premières suites pour la version à quatre cordes du violoncello (la version plus courante) et que, dans la sixième suite, il ait ajouté la précision « à cinq cordes », voilà déjà une indication que la série des six suites a davantage été conçue pour le violoncello da spalla puisqu’il existait alors une version à cinq cordes de cet instrument. Cette version (s’agirait-il de la viola pomposa ?) combine en réalité l’accord du violoncello (ut, sol, ré, la) et celui du violoncello piccolo (sol, ré, la, mi) tel qu’il apparaît dans certains fragments de cantate.