Ce blog sur la Viola da spalla a été créé par des amis de Sigiswald Kuijken à l’occasion du concert qu’il a donné avec cet instrument le dimanche 29 juillet 2007 dans la petite église de Pont de Barret, dans la Drôme provençale, non loin de Montélimar.
Ce récital a lieu dans le cadre des "Rencontres musicales du Roubion" (du nom de la rivière qui traverse Pont de Barret), organisées par Patrick Beaugiraud.
Au programme, trois Suites pour "violoncelle" seul de Jean-Sébastien Bach. Les Suites IV et V ont été données sur un instrument à 4 cordes ; la suite VI sur un instrument à 5 cordes.
Pour informer les auditeurs sur cet instrument encore peu connu, nous rapportons ici un texte de Sigiswald Kuijken qui date de 2005 : « Histoire d’une redécouverte »
On pourra trouver des informations complémentaires sur le site Internet de Dmitry Badiarov, luthier qui a fabriqué l’instrument de Sigiswald et qui est d'ailleurs également violoniste lui-même (certaines des photographies qui suivent ont d’ailleurs été prises par Dmitry Badiarov dans son atelier).
On pourra trouver des informations complémentaires sur le site Internet de Dmitry Badiarov, luthier qui a fabriqué l’instrument de Sigiswald et qui est d'ailleurs également violoniste lui-même (certaines des photographies qui suivent ont d’ailleurs été prises par Dmitry Badiarov dans son atelier).
L'encyclopédie Wikipédia consacte un article à la Viola Ponposa dont Kuijken évoque ci-dessous les relations avec la Viola da spalla
.
On pourra aussi consulter les recherches de Lambert Smit, musicien et philologue classique qui fait des recherches depuis 1999 sur l'identité du violoncello et du violone de Johann Sebastian Bach (lien vers son site, ci-contre)
Des sources de la fin du XVIIe siècle font mention de la viola da spalla, aussi appelée violoncello da spalla : il s’agit là d’une donnée que j’ai conservée précieusement dans un coin de ma mémoire pendant de nombreuses années. De temps à autre, elle sortait de sa léthargie pour se manifester à mon esprit, mais c’est seulement il y a peu qu’elle s’est imposée avec vigueur dans le champ de mes préoccupations. Cela s’est produit alors que je remettais en question certaines pratiques actuelles en ce qui concerne la composition des orchestres baroques, plus précisément l’emploi à la basse d’instruments à cordes octaviant vers le bas (on les nomme les « 16-pieds » ; la contrebasse en est un exemple connu). Cette remise en question était quant à elle liée au fait qu’à la Petite Bande, depuis 2000 environ, nous sommes passés à une interprétation des cantates de J.S. Bach (et d’autres œuvres avec chœur) recourant à un chanteur par voix plutôt qu’à un « chœur » – et ce en concordance parfaite avec les résultats de recherches très poussées menées dans ce domaine au cours des vingt-cinq dernières années.
Cette nouvelle configuration nous a aussi obligés à retourner aux sources dans le domaine de la pratique instrumentale : le choix d’un chanteur par voix nécessite bien sûr un accompagnement instrumental adapté. Les nombreux manuscrits originaux des parties instrumentales et vocales des cantates et autres œuvres de J.S. Bach, les commentaires issus des traités de l’époque et ce que j’oserais appeler les « leçons du bon sens » nous ont conduits à la conclusion qu’il était erroné d’utiliser des basses de 16 pieds dans ce contexte : c’est en effet inutile voire préjudiciable. De fil en aiguille, nous nous sommes intéressés de près à la basse instrumentale dans son ensemble.
Cette nouvelle configuration nous a aussi obligés à retourner aux sources dans le domaine de la pratique instrumentale : le choix d’un chanteur par voix nécessite bien sûr un accompagnement instrumental adapté. Les nombreux manuscrits originaux des parties instrumentales et vocales des cantates et autres œuvres de J.S. Bach, les commentaires issus des traités de l’époque et ce que j’oserais appeler les « leçons du bon sens » nous ont conduits à la conclusion qu’il était erroné d’utiliser des basses de 16 pieds dans ce contexte : c’est en effet inutile voire préjudiciable. De fil en aiguille, nous nous sommes intéressés de près à la basse instrumentale dans son ensemble.
Dans la plupart des œuvres du XVIIe siècle et du début du XVIIIe siècle (jusque vers 1740-1750), la basse était désignée aux cordes par le terme violone ou seulement basso. Le terme violoncello était alors rarement utilisé (après 1730, cette dénomination est devenue progressivement plus fréquente).
À y regarder de plus près, il apparaît que jusqu’en 1730 environ (mais ce fut encore souvent le cas par la suite), le terme violoncello – lorsqu’il était utilisé, ce qui était plutôt rare comme nous venons de le souligner – ne désignait pas forcément l’instrument que nous connaissons aujourd’hui sous ce nom. Dans de nombreux cas, cette appellation désignait plutôt la viola da spalla ou violoncello da spalla (que l’on pourrait traduire « violoncelle d’épaule »). Cet instrument qui s’accorde comme notre violoncelle actuel (mais qui comporte parfois une cinquième corde accordée en mi aigu), n’était pas tenu entre les jambes, mais bien da spalla, c’est-à-dire contre ou sur l’épaule (droite). Tenu quasi horizontalement devant la poitrine, il était fixé d’une manière ou d’une autre (par exemple à un bouton de la chemise ou de la veste) ou, très probablement, suspendu au cou par une lanière.
Dans la deuxième édition de son Compendio Musicale (Ferrare, 1694), Bartolomeo Bismantova donne des Regole per suonare il Violoncello da spalla. Dans cet ouvrage, il ne mentionne aucun autre type de violoncello, alors qu’il traite pourtant du contrabasso.
« Il Violoncello da spalla alla moderna s’accorda in quinta etc.(…) », écrit Bismantova : il indique que cet instrument s’accorde comme notre violoncelle actuel, mais il conseille toutefois d’accorder la corde la plus grave en ré plutôt qu’en ut, même s’il considère comme possible de l’accorder en ré ; il montre également que les doigtés utilisés pour cet instrument correspondent à ceux de notre alto ou de notre violon – il ne s’agit pas d’un doigté par demi-tons comme celui du violoncelle actuel ou de la viole de gambe.
À y regarder de plus près, il apparaît que jusqu’en 1730 environ (mais ce fut encore souvent le cas par la suite), le terme violoncello – lorsqu’il était utilisé, ce qui était plutôt rare comme nous venons de le souligner – ne désignait pas forcément l’instrument que nous connaissons aujourd’hui sous ce nom. Dans de nombreux cas, cette appellation désignait plutôt la viola da spalla ou violoncello da spalla (que l’on pourrait traduire « violoncelle d’épaule »). Cet instrument qui s’accorde comme notre violoncelle actuel (mais qui comporte parfois une cinquième corde accordée en mi aigu), n’était pas tenu entre les jambes, mais bien da spalla, c’est-à-dire contre ou sur l’épaule (droite). Tenu quasi horizontalement devant la poitrine, il était fixé d’une manière ou d’une autre (par exemple à un bouton de la chemise ou de la veste) ou, très probablement, suspendu au cou par une lanière.
Dans la deuxième édition de son Compendio Musicale (Ferrare, 1694), Bartolomeo Bismantova donne des Regole per suonare il Violoncello da spalla. Dans cet ouvrage, il ne mentionne aucun autre type de violoncello, alors qu’il traite pourtant du contrabasso.
« Il Violoncello da spalla alla moderna s’accorda in quinta etc.(…) », écrit Bismantova : il indique que cet instrument s’accorde comme notre violoncelle actuel, mais il conseille toutefois d’accorder la corde la plus grave en ré plutôt qu’en ut, même s’il considère comme possible de l’accorder en ré ; il montre également que les doigtés utilisés pour cet instrument correspondent à ceux de notre alto ou de notre violon – il ne s’agit pas d’un doigté par demi-tons comme celui du violoncelle actuel ou de la viole de gambe.
On sait qu’Antonio Caldara et un membre de la famille Bononcini étaient spallistes à San Marco de Venise vers 1700. Certaines églises italiennes possèdent des fresques sur lesquelles figurent des musiciens jouant de la viola da spalla (la plupart du temps, ils sont représentés avec des instruments étonnamment grands, presque comparables à « nos » violoncelles !)
Sébastien Brossard (Dictionnaire de Musique, Paris, 1703) explique que le violoncello des Italiens est l’équivalent de la quinte de violon – l’alto le plus grand couramment utilisé dans l’orchestre d’opéra français – à cette différence près qu’il sonne une octave plus bas que la quinte de violon.
J. Mattheson (Hambourg, 1713) traite de la viola da spalla dont il fait l’éloge : ce « kleine Bassgeige » est beaucoup plus pratique que les versions plus grandes des instruments de la basse et il présente en outre une sonorité particulièrement claire aux résonances harmonieuses. Sa description enthousiaste de la viola da spalla sera reprise dans d’autres ouvrages théoriques en Allemagne pendant une longue période encore.
Sébastien Brossard (Dictionnaire de Musique, Paris, 1703) explique que le violoncello des Italiens est l’équivalent de la quinte de violon – l’alto le plus grand couramment utilisé dans l’orchestre d’opéra français – à cette différence près qu’il sonne une octave plus bas que la quinte de violon.
J. Mattheson (Hambourg, 1713) traite de la viola da spalla dont il fait l’éloge : ce « kleine Bassgeige » est beaucoup plus pratique que les versions plus grandes des instruments de la basse et il présente en outre une sonorité particulièrement claire aux résonances harmonieuses. Sa description enthousiaste de la viola da spalla sera reprise dans d’autres ouvrages théoriques en Allemagne pendant une longue période encore.
Au début de son séjour à Leipzig (après 1722), Jean-Sébastien Bach aurait (d’après Forkel en 1782 et d’après Gerber vers1791) inventé l’instrument connu sous le nom de viola pomposa, dont la description réalisée ultérieurement correspond tout à fait à celle d’une viola da spalla à cinq cordes. Bach lui-même n’utilise jamais les qualificatifs pomposa ni da spalla : il écrit seulement violoncello ou encore violoncello piccolo. Cependant, tout porte à croire que Bach utilisait bel et bien ces termes pour désigner la viola da spalla (ou le violoncello da spalla, les deux expressions ayant alors cours) : ainsi, dans les cantates, les copistes de Bach ou Bach lui-même n’ont jamais copié les (rares) fragments de solos pour violoncello ou violoncello piccolo dans les parties destinées aux exécutants de la basse (violone, basso continuo) : elles étaient toujours notées sur une feuille à part voire dans la partie du premier violon, sans aucun commentaire. Ceci indique clairement que les parties de violoncello n’étaient pas destinées aux exécutants de la basse, qui avaient l’habitude de tenir leur instrument « entre les jambes », mais bien à ceux qui jouaient da spalla, c’est-à-dire les violonistes… : la technique da spalla ne requérait qu’une adaptation organique de leur position habituelle, tandis qu’elle était – et est encore – tout à fait étrangère et impraticable pour les exécutants de la basse qui ont coutume de tenir leur instrument entre les jambes…
Comme J.S. Bach semble utiliser le terme violoncello pour désigner la viola da spalla, il n’est guère étonnant que ses célèbres Six Suites pour violoncelle seul puissent être exécutées d’une manière beaucoup plus naturelle sur une viola da spalla que sur un violoncelle « actuel ». Que Bach ait conçu les cinq premières suites pour la version à quatre cordes du violoncello (la version plus courante) et que, dans la sixième suite, il ait ajouté la précision « à cinq cordes », voilà déjà une indication que la série des six suites a davantage été conçue pour le violoncello da spalla puisqu’il existait alors une version à cinq cordes de cet instrument. Cette version (s’agirait-il de la viola pomposa ?) combine en réalité l’accord du violoncello (ut, sol, ré, la) et celui du violoncello piccolo (sol, ré, la, mi) tel qu’il apparaît dans certains fragments de cantate.
Comme J.S. Bach semble utiliser le terme violoncello pour désigner la viola da spalla, il n’est guère étonnant que ses célèbres Six Suites pour violoncelle seul puissent être exécutées d’une manière beaucoup plus naturelle sur une viola da spalla que sur un violoncelle « actuel ». Que Bach ait conçu les cinq premières suites pour la version à quatre cordes du violoncello (la version plus courante) et que, dans la sixième suite, il ait ajouté la précision « à cinq cordes », voilà déjà une indication que la série des six suites a davantage été conçue pour le violoncello da spalla puisqu’il existait alors une version à cinq cordes de cet instrument. Cette version (s’agirait-il de la viola pomposa ?) combine en réalité l’accord du violoncello (ut, sol, ré, la) et celui du violoncello piccolo (sol, ré, la, mi) tel qu’il apparaît dans certains fragments de cantate.
En Allemagne, jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, on trouve encore les termes de violoncello et violoncello piccolo utilisés pour désigner la viola da spalla. Et Léopold Mozart mentionne dans sa célèbre Violinschule de 1756 qu’« actuellement [en 1756 donc], non seulement la viola da gamba se tient entre les jambes, mais aussi le violoncello. » (Ce n’était donc pas le cas auparavant – une allusion de plus au fait qu’au début du XVIIIe siècle, le violoncello était joué da spalla.) De même, en 1758, Adlung considérait la viola da spalla et le violoncello comme des synonymes.
On ne sait pas encore avec certitude à quelle période est né le violoncelle « actuel » et à partir de quand il s’est imposé dans les différents pays d’Europe ; cette évolution allait progressivement faire disparaître de la scène la viola da spalla.
Dans le fond, le violoncelle qui nous est aujourd’hui si familier est une version sensiblement réduite de ce qu’on appelait la basse de violon en France à l’époque de Lully, un instrument qui, dans ce pays, était accordé un ton plus bas que le violoncelle actuel. Sous le nom de violone, la basse de violon était aussi couramment utilisée dans d’autres pays d’Europe pour les parties de basse dans toutes sortes de situations, mais en règle générale, elle était accordée comme «notre» violoncelle. Cet instrument était toujours tenu entre les jambes. Parfois (notamment dans les grands ensembles dirigés par A. Corelli à Rome), ce violone était utilisé en combinaison avec le contrabasso qui sonne à l’octave inférieure, lui-même très souvent désigné du nom de violone (de quoi semer la confusion…).
Dans la Méthode pour le violoncelle de M. Corette, datant de 1741, on peut lire que le violoncelle (il s’agit déjà clairement de notre violoncelle « actuel », c’est-à-dire de la basse de violon aux dimensions réduites) a été introduit en France aux environs de 1711-1716 par «Bononcini» (lequel ?). Mais cela ne nous dit pas si cet instrument existait déjà en Italie auparavant (et si oui, depuis quand), ni à quelle période il est entré dans les mœurs.
On ne sait pas encore avec certitude à quelle période est né le violoncelle « actuel » et à partir de quand il s’est imposé dans les différents pays d’Europe ; cette évolution allait progressivement faire disparaître de la scène la viola da spalla.
Dans le fond, le violoncelle qui nous est aujourd’hui si familier est une version sensiblement réduite de ce qu’on appelait la basse de violon en France à l’époque de Lully, un instrument qui, dans ce pays, était accordé un ton plus bas que le violoncelle actuel. Sous le nom de violone, la basse de violon était aussi couramment utilisée dans d’autres pays d’Europe pour les parties de basse dans toutes sortes de situations, mais en règle générale, elle était accordée comme «notre» violoncelle. Cet instrument était toujours tenu entre les jambes. Parfois (notamment dans les grands ensembles dirigés par A. Corelli à Rome), ce violone était utilisé en combinaison avec le contrabasso qui sonne à l’octave inférieure, lui-même très souvent désigné du nom de violone (de quoi semer la confusion…).
Dans la Méthode pour le violoncelle de M. Corette, datant de 1741, on peut lire que le violoncelle (il s’agit déjà clairement de notre violoncelle « actuel », c’est-à-dire de la basse de violon aux dimensions réduites) a été introduit en France aux environs de 1711-1716 par «Bononcini» (lequel ?). Mais cela ne nous dit pas si cet instrument existait déjà en Italie auparavant (et si oui, depuis quand), ni à quelle période il est entré dans les mœurs.
Il est vraisemblable que la viola da spalla s’est maintenue plus longtemps dans certains pays que dans d’autres : peut-être la France été-t-elle la plus prompte à accueillir le nouveau violoncelle que l’on tient entre les jambes ; par ailleurs, il me semble que l’idée da spalla a survécu le plus longtemps en Allemagne. La période durant laquelle les deux instruments et les deux façons de jouer se sont côtoyés ne renvoie en aucun cas à une histoire claire et chronologique qui ferait l’unanimité…
Le terme de base viola (da brazzo ou da braccio) correspond à « notre » alto. D’un point de vue purement linguistique, le terme violone désigne un très grand violon tandis que violoncello est un diminutif de violone et dénomme donc un petit violone (la forme violoncino apparaît également çà et là) ; enfin, le terme violino est un diminutif de viola, il désigne donc un petit alto.
De par son volume plus petit, la viola da spalla ou violoncelle d’épaule possède un tout autre son que le basso ou violone, souvent deux à trois fois plus grand ; elle n’a donc jamais été utilisée comme basse dans l’orchestre ; elle était seulement destinée à ajouter une couleur spécifique dans des situations particulières, à l’instar d’une flûte à bec solo dans une cantate par exemple. Dans la musique de chambre, le violoncello (da spalla) était cependant utilisé et apprécié comme instrument de basse continue : J. Mattheson vante ainsi la sonorité particulièrement riche de cet instrument et il écrit dans son Neu-eröffnetes Orchester (1913) qu’aucun autre instrument ne convient aussi bien pour accompagner, en tant qu’instrument de continuo, les instruments mélodiques aigus (comme la flûte, le violon…).
Il est fondamental de se rendre compte que le terme violoncello était peu utilisé à l’origine (comme nous l’avons déjà dit), mis à part le fait que cet instrument était ou non joué da spalla. Ainsi, lorsque le terme violoncello est explicitement mentionné, il convient d’utiliser le plus petit instrument de la basse et certainement pas la basse de violon ou le violone, deux instruments plus grands. Inversement, le violoncello n’est pas l’instrument « passe-partout » censé jouer tout le temps la partie de basso continuo : cette fonction revient plutôt au violone (c’est-à-dire à une basse de violon – « grand violoncelle », devrait-on dire –, ou à une viole de gambe basse à six cordes, accordée sur un sol grave, ou encore – au sein d’un ensemble plus grand – à une sorte de contrebasse). C’est seulement au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle qu’est intervenu le glissement syntaxique suite auquel le terme violoncello désigne la même chose qu’aujourd’hui : l’instrument à cordes presque souverain de huit pieds tel qu’on peut l’admirer dans le quatuor à cordes.
Le terme de base viola (da brazzo ou da braccio) correspond à « notre » alto. D’un point de vue purement linguistique, le terme violone désigne un très grand violon tandis que violoncello est un diminutif de violone et dénomme donc un petit violone (la forme violoncino apparaît également çà et là) ; enfin, le terme violino est un diminutif de viola, il désigne donc un petit alto.
De par son volume plus petit, la viola da spalla ou violoncelle d’épaule possède un tout autre son que le basso ou violone, souvent deux à trois fois plus grand ; elle n’a donc jamais été utilisée comme basse dans l’orchestre ; elle était seulement destinée à ajouter une couleur spécifique dans des situations particulières, à l’instar d’une flûte à bec solo dans une cantate par exemple. Dans la musique de chambre, le violoncello (da spalla) était cependant utilisé et apprécié comme instrument de basse continue : J. Mattheson vante ainsi la sonorité particulièrement riche de cet instrument et il écrit dans son Neu-eröffnetes Orchester (1913) qu’aucun autre instrument ne convient aussi bien pour accompagner, en tant qu’instrument de continuo, les instruments mélodiques aigus (comme la flûte, le violon…).
Il est fondamental de se rendre compte que le terme violoncello était peu utilisé à l’origine (comme nous l’avons déjà dit), mis à part le fait que cet instrument était ou non joué da spalla. Ainsi, lorsque le terme violoncello est explicitement mentionné, il convient d’utiliser le plus petit instrument de la basse et certainement pas la basse de violon ou le violone, deux instruments plus grands. Inversement, le violoncello n’est pas l’instrument « passe-partout » censé jouer tout le temps la partie de basso continuo : cette fonction revient plutôt au violone (c’est-à-dire à une basse de violon – « grand violoncelle », devrait-on dire –, ou à une viole de gambe basse à six cordes, accordée sur un sol grave, ou encore – au sein d’un ensemble plus grand – à une sorte de contrebasse). C’est seulement au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle qu’est intervenu le glissement syntaxique suite auquel le terme violoncello désigne la même chose qu’aujourd’hui : l’instrument à cordes presque souverain de huit pieds tel qu’on peut l’admirer dans le quatuor à cordes.
En février 2004, le luthier Dmitry Badiarov (qui est aussi un violoniste baroque se produisant régulièrement avec la Petite Bande) m’a fabriqué un violoncello da spalla à Bruxelles. Il a repris les mesures de deux anciens modèles toujours existants et d’un instrument de Leipzig qui a disparu pendant la guerre. Ces trois instruments sont attribués à Hoffmann de Leipzig et datent de l’époque où J.S. Bach a commencé d’employer le violoncello et le violoncello piccolo dans certaines cantates.
L’instrument de Badiarov correspond tout à fait aux descriptions qui ont été faites de la viola da spalla au temps de Bach. C’est un instrument à cinq cordes (ut, sol, ré, la, mi, comme la dénommée viola pomposa), la longueur des cordes du sillet au chevalet est de 42,5 cm, les éclisses ont une hauteur d’environ 9 cm, et le corps de l’instrument, une longueur de 46 cm. De ce point de vue, il s’agit donc d’un très petit violoncelle ! Lorsqu’on demande à un violoncelliste de le jouer entre les jambes, de la façon dont le violoncelle piccolo est encore fréquemment joué de nos jours, sa sonorité est limitée et très étouffée, comme celle d’un violoncelle beaucoup trop petit. En revanche, s’il est joué da spalla de manière historique, sa sonorité est incomparablement plus riche et harmonieuse, elle ressemble à celle d’un très grand alto mais dans une tessiture de violoncelle !
Les cordes et l’archet ont été fabriqués spécialement pour cet instrument selon les méthodes anciennes. Lors de cette première tentative de réhabiliter le « violoncelle d’épaule », tant le facteur que moi-même avons été très agréablement surpris de constater – un an à peine après nos premières expériences – combien cet instrument s’impose à la fois sur les plans pratique et artistique.
Sans la moindre réserve, j’ai décidé d’utiliser cet instrument pour interpréter les cantates de Bach dans lesquelles il est explicitement requis, ainsi que d’autres œuvres de Bach et de ses contemporains dans lesquelles il retrouvera certainement la place qui lui revient.
Mais par-dessus tout, je me réjouis beaucoup à l’idée de pouvoir entendre les Suites pour violoncelle de Bach s’épanouir dans leur nature originelle grâce à ce « retour aux sources ». La fête a commencé…
L’instrument de Badiarov correspond tout à fait aux descriptions qui ont été faites de la viola da spalla au temps de Bach. C’est un instrument à cinq cordes (ut, sol, ré, la, mi, comme la dénommée viola pomposa), la longueur des cordes du sillet au chevalet est de 42,5 cm, les éclisses ont une hauteur d’environ 9 cm, et le corps de l’instrument, une longueur de 46 cm. De ce point de vue, il s’agit donc d’un très petit violoncelle ! Lorsqu’on demande à un violoncelliste de le jouer entre les jambes, de la façon dont le violoncelle piccolo est encore fréquemment joué de nos jours, sa sonorité est limitée et très étouffée, comme celle d’un violoncelle beaucoup trop petit. En revanche, s’il est joué da spalla de manière historique, sa sonorité est incomparablement plus riche et harmonieuse, elle ressemble à celle d’un très grand alto mais dans une tessiture de violoncelle !
Les cordes et l’archet ont été fabriqués spécialement pour cet instrument selon les méthodes anciennes. Lors de cette première tentative de réhabiliter le « violoncelle d’épaule », tant le facteur que moi-même avons été très agréablement surpris de constater – un an à peine après nos premières expériences – combien cet instrument s’impose à la fois sur les plans pratique et artistique.
Sans la moindre réserve, j’ai décidé d’utiliser cet instrument pour interpréter les cantates de Bach dans lesquelles il est explicitement requis, ainsi que d’autres œuvres de Bach et de ses contemporains dans lesquelles il retrouvera certainement la place qui lui revient.
Mais par-dessus tout, je me réjouis beaucoup à l’idée de pouvoir entendre les Suites pour violoncelle de Bach s’épanouir dans leur nature originelle grâce à ce « retour aux sources ». La fête a commencé…
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